Le droit de préemption : définition
Le droit de préemption est un mécanisme juridique qui confère à certaines personnes et/ou collectivités, dans certaines conditions, un droit prioritaire d'acquérir un bien immobilier mis en vente. En d'autres termes, le propriétaire d'un bien ne peut vendre celui-ci à un tiers que si aucune des personnes bénéficiant du droit de préemption ne souhaite l'acquérir aux mêmes conditions.
Dans le contexte de la copropriété, le droit de préemption revêt une importance particulière. Il vise à :
- Préserver l'harmonie au sein de l'immeuble en évitant l'arrivée de nouveaux copropriétaires dont le profil ne serait pas compatible avec le mode de vie de la communauté.
- Garantir une certaine stabilité sociale en limitant le turnover des occupants et en favorisant le maintien d'un tissu social cohérent.
- Protéger les intérêts financiers des copropriétaires en évitant des ventes à des prix sous-évalués ou à des acquéreurs peu solvables.
Les fondements juridiques
Le droit de préemption en copropriété repose sur plusieurs textes législatifs et réglementaires. En France, il est encadré principalement par la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, relative au statut de la copropriété des immeubles bâtis, ainsi que par ses décrets d'application. Ces textes définissent les modalités d’exercice du droit de préemption, les personnes habilitées à l’invoquer et les types de biens concernés.
La jurisprudence joue également un rôle important dans l’application du droit de préemption, notamment pour préciser les contours de ce droit, résoudre les conflits éventuels entre copropriétaires et garantir le respect des règles de procédure. Les tribunaux sont régulièrement appelés à statuer sur des cas où le droit de préemption est contesté, clarifiant ainsi son champ d'application et ses limites.
Dès lors que le droit de préemption s’applique, ce dernier peut concerner différents acteurs en fonction des dispositions légales et réglementaires applicables et du règlement de copropriété.
Le droit de préemption en copropriété vis-à-vis des autres copropriétaires
Traditionnellement, le droit de préemption est exercé par les copropriétaires eux-mêmes. Lorsqu'un lot est mis en vente, chaque copropriétaire dispose d'un délai précis, défini par le règlement de copropriété, pour notifier son intention d'acquérir le bien aux mêmes conditions que celles proposées à un tiers.
Il est important de noter que ce droit s'applique aux parties communes et, sous certaines conditions, aux places de stationnement. En effet, si le règlement de copropriété prévoit une clause spécifique à cet effet, les copropriétaires peuvent également bénéficier d'un droit de préemption pour l'acquisition de places de parking.
La priorité sur les places de stationnement est de plus en plus présente dans les règlements de copropriété en raison du manque de places de stationnement en milieu urbain.
Le droit de préemption sur les places de stationnement s’applique également pour les immeubles récents pour lesquels le plan local d’urbanisme (PLU) impose la présence d’une aire de stationnement.
Le droit de préemption vis-à-vis des locataires
Lors de la vente d’un bien en copropriété occupé par un locataire, ce dernier peut également avoir la primeur sur la vente dudit bien.
Toutefois, plusieurs cas de figure peuvent être observés selon la nature de la vente et selon le règlement de copropriété.
Vente à la découpe (article 10 de la loi du 31 décembre 1975)
Le droit de préemption s'applique dans le cadre de la première vente d’un local à usage d’habitation ou mixte, suite à la division d’un immeuble en plusieurs lots. Cela concerne également la vente de parts ou actions de sociétés ayant pour objet la division d’un immeuble.
Ce droit ne s’applique cependant pas
- si la vente porte sur un immeuble entier,
- si elle est réalisée au profit d’organismes HLM ou de logements conventionnés APL.
Avant de vendre, le propriétaire doit informer le locataire, par lettre recommandée avec accusé de réception, du prix et des conditions de la vente. Cette notification fait office d’offre de vente. Le locataire dispose alors d’un délai de deux mois pour accepter.
En cas de vente à des conditions plus avantageuses que celles initialement proposées, le locataire doit être à nouveau informé et bénéficie d’un mois supplémentaire pour exercer son droit.
Si le locataire refuse, il conserve son bail et continue d'occuper les lieux aux mêmes conditions. En cas de non-respect de cette procédure, la vente peut être annulée.
Vente en bloc (article 10-1 de la loi du 31 décembre 1975)
Dans le cadre d’une vente en bloc, c’est-à-dire la cession de plus de cinq logements d’un coup, le locataire bénéficie d’un droit de préemption sous certaines conditions. Il est applicable lorsque le nouvel acquéreur n’a pas l’intention de prolonger les baux existants pour une durée minimale de six ans.
Le propriétaire doit notifier à chaque locataire le prix et les conditions de vente de l’immeuble dans son ensemble ainsi que celles spécifiques à son logement. Le locataire dispose alors de quatre mois pour décider d’acheter son logement. Si le locataire accepte, la signature de l’acte de vente doit intervenir dans les deux mois suivant cet accord, ou quatre mois si un prêt est nécessaire. En cas de refus, le locataire conserve son logement et son bail se poursuit normalement.
En cas de mise en copropriété après la vente, un nouveau droit de préemption peut s’ouvrir si le bailleur vend les autres lots à des conditions plus avantageuses. L’absence de respect du droit de préemption peut entraîner la nullité de la vente.
Vente pour congé (article 15 de la loi du 6 juillet 1989)
Le droit de préemption intervient également lorsqu’un propriétaire met fin au bail dans le but de vendre le logement. Le propriétaire doit notifier son intention de vendre six mois avant la fin du bail, en mentionnant le prix et les conditions de la vente. Cette notification vaut également comme offre de vente au locataire.
Le locataire dispose de deux mois pour accepter cette offre et signer l’acte de vente, ou quatre mois s'il doit recourir à un prêt. Si le locataire refuse l’offre, il doit quitter le logement à l'expiration du bail. Toutefois, s’il reste en place et que le propriétaire vend à des conditions plus avantageuses, un nouveau droit de préemption s’ouvre, même si le locataire a déjà quitté les lieux. La nullité de l’offre de vente entraîne la nullité du congé, permettant au locataire de rester dans le logement.
La préemption ne s’applique pas dans les cas suivant :
- si l’immeuble est concerné par un arrêté de péril
- si la vente a lieu au profit d’un parent jusqu’au troisième degré inclus et à la condition que l'acquéreur occupe le logement pendant une durée minimum de 2 ans à partir de l'expiration du délai de préavis
Préemption dans le cadre des accords collectifs du 16 mars 2005
Les accords collectifs s'appliquent lorsque plus de dix lots d’un même immeuble sont mis en vente, qu’ils soient libres ou occupés. Dans ce cas, des associations de locataires ainsi que la commune doivent être informées de la mise en vente. Une réunion avec les locataires est organisée, et à l'issue de cette phase, une offre de vente est envoyée individuellement à chaque locataire.
Le locataire a ensuite un délai de deux mois pour accepter, ou quatre mois s'il a besoin de recourir à un prêt. Si le locataire refuse l’offre, il doit quitter le logement à la fin du bail, sauf si une prorogation est décidée. En cas de non-respect des accords collectifs, le congé pour vente peut être annulé, et la vente des lots peut être également frappée de nullité.
Le droit de préemption urbain
Le droit de préemption urbain (DPU) est un mécanisme juridique conférant aux collectivités locales, notamment les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), la priorité pour l’acquisition de biens immobiliers mis en vente sur leur territoire. Ce droit permet à la collectivité de se substituer à un acquéreur privé pour acheter un bien afin de réaliser des projets d’intérêt général, tels que des équipements publics, des logements sociaux, ou la préservation du patrimoine urbain.
Le DPU est régi par le Code de l’urbanisme, principalement dans ses articles L.210-1 et suivants. Il vise à donner aux collectivités un outil pour maîtriser l’urbanisme local et pour répondre à des besoins spécifiques de développement ou de régulation foncière.
Les objectifs principaux incluent :
- La création de logements sociaux ou la lutte contre l’insalubrité.
- La réalisation d’équipements publics (écoles, parcs, etc.).
- La protection de zones naturelles ou historiques.
- La gestion des espaces urbains pour prévenir une urbanisation anarchique.
Ce droit peut s'appliquer dans des zones précises déterminées par un document d’urbanisme, tel que le plan local d’urbanisme (PLU), qui délimite les zones concernées par le DPU.
Le DPU ne s’exerce pas sur tous les biens immobiliers, mais uniquement sur ceux situés dans les zones définies par la collectivité. Voici les principales étapes de sa mise en œuvre :
- Déclaration d’intention d’aliéner (DIA) par le notaire. À partir de la réception de la DIA, la commune ou l’EPCI dispose d'un délai légal de deux mois pour décider d'exercer ou non son droit de préemption. Si la collectivité choisit de préempter, elle doit notifier sa décision au propriétaire dans ce délai. L’absence de réponse dans le délai vaut renonciation tacite au droit de préemption.
- Le prix proposé par la collectivité doit correspondre à celui mentionné dans la DIA. Si le propriétaire conteste le prix, il peut saisir le juge de l’expropriation pour fixer le juste prix du bien. Si aucun accord n'est trouvé, la collectivité peut renoncer à son droit de préemption.
- Une fois le bien acquis, la collectivité doit l'affecter à un projet d’intérêt général conforme aux objectifs fixés par le PLU. Elle ne peut pas préempter un bien sans avoir de projet spécifique, sous peine de nullité de la préemption.
Le DPU s'applique à la plupart des biens immobiliers (terrains, immeubles bâtis, pleine propriété ou copropriété), mais certaines exceptions existent :
- Les ventes entre membres d’une même famille ne sont pas soumises au DPU.
- Les biens en indivision ou en succession peuvent échapper au DPU dans certaines conditions.
- Les cessions de droits réels immobiliers (usufruit, nue-propriété) peuvent également être exclues selon les circonstances.
Lorsqu'un bien immobilier fait l'objet d'une vente et qu'à la fois un locataire et une collectivité territoriale (comme une commune) souhaitent l'acquérir, c'est généralement la collectivité qui dispose de la priorité.